Page:Du Camp - Paris, tome 4.djvu/223

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cordon de sonnette, et bientôt une fille de service apparut ; elle prit l’enfant, l’étendit sur le lit de camp, vérifia le sexe et dit : « Une petite fille. » À ce moment, la mère se jeta à genoux, saisit son enfant, l’embrassa avec des convulsions qui la soulevaient tout entière et restait penchée, collée sur elle comme si elle eût voulu s’en imprégner pour toujours. Le commis se leva, vint à la femme et lui dit avec ce flegme que donne l’habitude du même spectacle souvent répété : « Si cela vous fait tant de peine d’abandonner cet enfant, pourquoi ne le gardez-vous pas ? » Elle se redressa d’un bond, passa sa manche sur son visage tuméfié, ne se retourna même pas, poussa la porte et s’enfuit. Je demeurai stupéfait ; le commis me regarda et me dit : C’est toujours comme ça ! »

Oui, « c’est toujours comme ça, » lorsque c’est la mère qui fait l’abandon elle-même, car elle se trouve tirée entre les mouvements instinctifs de la nature et une résolution irrévocablement prise ; mais les choses se passent bien plus simplement lorsque c’est un intermédiaire désintéressé, une sage-femme par exemple, qui apporte l’enfant. Pour beaucoup de femmes de cette dernière catégorie, le titre qu’elles ont est un nom mérité, car saga signifie sorcière ; plus que d’autres, et par leurs fonctions mêmes, elles sont accoutumées aux œuvres ténébreuses qui déroutent la justice et lui échappent le plus souvent. Ces créatures excellent à épouvanter les pauvres filles qui ont eu recours à elles à la dernière heure ; elles les effrayent sur les suites d’une première faute, les poussent à se débarrasser de leur enfant et se chargent, pour de l’argent, d’accomplir toutes les formalités imposées[1].

  1. « L’enquête a constaté avec dégoût les odieuses suggestions de ces matrones (sages-femmes) qui, non contentes d’attirer chez elles les pauvres filles séduites et de les dépouiller de leurs épargnes, ne leur