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première, appelée la Bourbe et réservée aux filles-mères, aux femmes indigences arrivées au dernier terme de leur grossesse ; la seconde consacrée aux enfants assistés.

Non-seulement les enfants abandonnés à Paris étaient portés à l’hospice de la rue d’Enfer, mais on y envoyait sans vergogne ceux des départements, et il existait des courtiers en abandon d’enfants. Ces hommes recueillaient dans les villages et dans les villes les enfants dont les mères refusaient de se charger ; ils les emballaient dans une caisse matelassée qui se portait sur le dos à l’aide de bretelles, les enfants y étaient placés debout, et leur tête dépassait de façon qu’ils pussent respirer et ne point étouffer dans ces boites, que, par une ironie effroyable, les paysans appelaient des purgatoires ; chaque boîte contenait trois enfants. Ainsi chargé, l’homme se mettait en marche, quelque temps qu’il fit, s’arrêtant seulement pour prendre ses repas et donner de loin en loin du lait aux pauvres créatures. Parfois, bien souvent, l’un des enfants mourait en chemin ; on n’avait point le loisir de remplir des formalités minutieuses, on jetait le léger cadavre dans un fossé, on le recouvrait d’un peu de terre, et l’on continuait sa route. Arrivé devant l’hôpital, l’homme glissait les enfants dans le tour et se hâtait de retourner « au pays » chercher de nouvelles victimes, car cet emploi était « son gagne-pain ».

Mercier a vu 200 enfants couchés sur deux rangs dans la même salle ; une nourrice suffisait à deux nourrissons. Ils étaient bien mal soignés, les pauvres petits, et ne luttaient pas longtemps contre la dure existence qu’on leur faisait. Dulaure, qui, si souvent inexact en chronologie, est presque toujours bien renseigné quand il s’agit de chiffres, déclare qu’en 1797, sur 3 716 enfants reçus à l’hospice, 3 108 sont morts dans l’année »