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ceux qui aiment mieux « bélitrer que gagner leurs vies ou travailler, ne se contentant de l’aumône ordinaire, laquelle ils veulent prendre par forme de prébende et vivre sans rien faire » ; en 1554, en 1607, on établit à chacune des portes de Paris un poste spécial d’archers chargé d’en interdire l’entrée aux mendiants qui se présentent.

Le mal est général, il envahit la France : les provinces ont recours aux moyens les plus étranges pour se débarrasser de cette « teigne ». À Grenoble, la municipalité institue un fonctionnaire dont l’unique mission est de parcourir les rues de la ville et de renvoyer les mendiants ; on le nomme le chasse-gueux, le chasse-coquins[1]. En 1606, un arrêt du Parlement de Paris, en date du 18 janvier, décide qu’ils seront fouettés en place publique par les valets du bourreau ; de plus on leur met une marque particulière sur l’épaule et, en vertu d’une ordonnance de 1602, on leur rase la têle ; cette dernière mesure avait du moins cela de bon qu’elle était hygiénique.

Nous touchons enfin au moment où les dispositions coercitives des ordonnances vont faire place à des mesures préventives dans lesquelles l’humanité aura sa part. Le premier qui semble s’être préoccupé du sort des mendiants et de les utiliser en leur imposant un travail rémunéré est Jean Douet de Romp-Croissant, très-étrange personnage, qui représente le type de ce qu’on appelait alors un homme à projets. Il publia par livraisons, « par cayers, » une série de mémoires adressés à la reine régente et intitulés la France guerrière[2].

  1. On eut souvent recours à cette singulière mesure, car on la trouve mentionnée dans le registre des délibérations de la municipalité de Grenoble, le 20 mai 1532, le 6 avril 1587, le 1er février 1599, le 28 juillet 1602, le 24 juin et le 31 juillet 1611 : Recherches sur le paupérisme en france au seizième siècle, Berriat Saint-Prix, 1843 Mémoires de l’Académie des sciences morales et politiques, t. IV.
  2. Paris, de l’imprimerie de Mathurin et Jean Henault, petit in-4o ; 1644.