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les effractions de mâchoires qu’il commettait sur les morts[1].

Le cadavre est lavé, étendu sur une dalle de pierre, à moins qu’il n’ait été réclamé par un chef de service pour la salle des autopsies ; il y reste vingt-quatre heures, abrité sous un couvercle en toile cirée dans la plupart des maisons, en zinc à l’Hôtel-Dieu, où l’on ne peut prendre trop de précautions contre les rats, qui sont nombreux et voraces. Sur ce cercueil provisoire est posé le bulletin qui porte l’état civil du défunt. La famille est prévenue, et il faut qu’elle soit bien pauvre, bien dénuée, pour ne pas envoyer une chemise et un bonnet destinés à revêtir le mort : vieille tradition puérile, mais respectable après tout, et qui rappelle l’époque païenne où l’homme partait vers l’autre vie armé et prêt au combat.

Ces salles de repos, qui toutes sont aussi éloignées que possible des pavillons réservés aux malades, sont laides pour la plupart, dallées, humides, très-aérées ; mais il y plane une vague odeur de putridité que le chlore, le vinaigre et l’acide phénique parviennent mal à neutraliser. Les salles les mieux disposées sont celle de La Riboisière, celle de Necker, où chaque dalle est enfermée sous des rideaux, celle des Enfants malades, où les sinistres tables sont remplacées par de

  1. Un pareil et si révoltant commerce n’était point nouveau et on avait même tenté jadis d’y faire participer l’Hôtel-Dieu. En effet, je lis dans une notice puisée aux sources mêmes des archives de l’Assistance publique : « En 1650, un bourgeois de Paris, Simon Lanier, a l’idée de passer avec les administrateurs un contrat par lequel il s’engage à acheter pendant deux ans les cheveux des malades que le barbier devait couper par ordonnance des médecins, à raison de cent livres par an ; l’année suivante la compagnie résilie le contrat, « parce que le dit particulier ne pouvait pas faire son prouffit desdits cheveulx » — En 1658, le sieur Dupont, qui se qualifie d’opérateur du Roy, demande à acheter « les dents des personnes mortes à l’hostel Dieu pour en aider le public ; » la compagnie ne veut point conclure ce marché. » — Notes pour servir à l’histoire de l’Hotel-Dieu de Paris, par Léon Briéle, archiviste-paléographe, p. 37. Paris, Thorin, 1870. Brochure in-8o de 40 pages.