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vif du devoir professionnel : quel que soit le danger, il ne déserte pas. Pendant la dernière épidémie de petite vérole (1870), tous les infirmiers étaient à leur poste, et nul n’avait fui devant la contagion. En cela, ils sont un peu semblables à ces soldats mauvais sujets, familiers de la salle de police, et qu’on retrouve toujours au premier rang à l’heure du combat.

D’ordinaire les hôpitaux sont très-calmes. Les salles sont bien l’asile de la souffrance et de l’affaissement, elles ont l’air d’être naturellement silencieuses. Elles ne s’animent que deux fois par semaine, le dimanche et le jeudi, de une heure à trois. Ce sont les jours et les heures d’entrée ; chacun, sans carte ni permission, est admis à visiter les malades. Pendant ce laps de temps, les préaux sont déserts, car chacun doit rester au lit ; c’est une mesure qui peut paraître puérile au premier abord, mais elle est justifiée par des nécessités de surveillance auxquelles les malades, dans leur intérêt même, doivent être soumis. Parfois la foule abonde (il y a des dimanches d’hiver où l’Hôtel-Dieu a reçu plus de cinq mille visiteurs) ; mais lorsque le ciel est pur, lorsque la paye a été faite la veille, on s’en aperçoit bien vite ; la campagne attire ou le cabaret retient le plus grand nombre. En général, les hommes reçoivent bien plus de monde que les femmes, qui paraissent un peu abandonnées une fois qu’elles sont sur le grabat hospitalier. Au mois de mai, j’ai assisté à l’entrée de l’Hôtel-Dieu ; debout sur le grand perron, je regardais les groupes qui stationnaient sur le parvis, attendant que l’heure réglementaire eût sonné. Des marchands d’oranges, de biscuits, d’échaudés, de sucre d’orge, circulaient sur les trottoirs voisins et criaient : « Voyez, messieurs et dames, voyez pour messieurs vos malades ! » À une heure précise, les deux portes latérales s’ouvrirent, celle de gauche pour les hommes, celle de droite pour les femmes.