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pas sans peine : trois fois les commissaires au Châtelet et les sergents envoyés par la Reynie furent repoussés avec perte ; il y alla lui-même un matin, à la tête de cent cinquante soldats du guet, d’un demi-escadron de la maréchaussée et d’une escouade de sapeurs ; les murs furent renversés et quelques coups de feu mirent en fuite les truands, que l’on eut grand tort de ne point arrêter, car ils se répandirent dans la ville et allèrent encombrer les enclos du Temple, de Saint-Germain des Prés, de l’hôtel de Soissons, qui étaient lieux d’asile. Ce « nettoyage » ne fut que momentané, car certains lieux et certains hommes paraissent, comme les corps chimiques, doués d’affinités électives, et les sujets du royaume de l’argot, lorsque la surveillance se ralentissait ou que les circonstances le permettaient, se hâtaient de retourner à cette cour des Miracles qu’avaient habitée leurs ancêtres. Jusque sous le règne de Louis XVI ils s’y réunissaient, poussés par une tradition persistante que rien n’avait pu briser. Pour en finir, on voulut utiliser cet emplacement, et des lettres patentes du 21 août 1774 prescrivirent d’y construire une nouvelle halle à la marée et aux salines ; le projet fut bien près d’être mis à exécution, car on le retrouve indiqué avec tous les détails compatibles sur le grand plan que Verniquet termina en 1791.

Aujourd’hui, la cour des Miracles est une sorte d’asile très-calme et très-reposé, ouvert au milieu d’un des quartiers les plus bruyants de Paris. L’ancienne rue Saint-Sauveur, qui en 1503 s’appelait la rue de la Corderie et servait de terrain de filage aux cordiers, est aujourd’hui la rue du Nil ; elle est étroite, mal pavée, et contient, entre autres, quelques hangars où on loue des charrettes à bras ; la cour se dessine dans une forme irrégulière et bossue, côtoyée par une haute maison qui est une école communale, par une imprimerie, par