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ment où, après une lutte qui avait duré vingt-deux ans, la France, surmenée, harassée, semble s’écrouler sur elle-même, en 1814, nos hôpitaux des bords du Rhin, attaqués par le typhus, évacuèrent leurs malades devant l’ennemi qui avançait à grandes marches. Précédant nos armées refoulées, coupées, presque disséminées, malgré des prodiges de valeur et de stratégie, nos paysans, chassés par les bandes étrangères, vinrent se réfugier à Paris, que déjà l’on croyait imprenable. Avec eux, la contagion entra dans la ville, et les hôpitaux, qui n’étaient point outillés alors comme ils le sont aujourd’hui, furent subitement envahis et devinrent trop étroits pour la foule des malades et des blessés.

L’administration de la guerre, débordée depuis longtemps, ne pouvait recevoir tous les soldats qui venaient frapper à la porte du Val-de-Grâce et du Gros-Caillou. Tout le poids de la situation retomba avec une effroyable pesanteur sur le conseil général des hospices, dont la caisse était vide et le matériel insuffisant. Il était urgent de trouver 6 000 lits supplémentaires, garnis et prêts à être mis en service. On fit appel à la charité des habitants de Paris ; ceux-ci étaient épuisés par des réquisitions de toute nature, par des impôts sans cesse accrus, par l’arrêt forcé de toute transaction commerciale, par la suspension de tout travail. Le peuple avait grand-peine à vivre dans ces jours de douloureuse mémoire ; il sut se dépouiller avec une admirable abnégation. Chacun s’empressa d’apporter ses draps, ses matelas, ses couvertures, et les mairies furent encombrées par les objets de literie qui affluaient de tous côtés. En vingt-quatre heures, les 6 000 lits étaient au pouvoir de l’administration ; mais où les placer ?

On avait pensé à convertir le château de Bercy et l’hôtel des Invalides en hôpitaux provisoires ; de graves difficultés s’opposèrent sans doute à la réalisation de ce