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Une seule salle, celle de Saint-Charles-Saint-Antoine, contenait, selon les nécessités, de 558 à 818 fiévreux. On entassait les malades de telle sorte qu’il nous faut aujourd’hui un effort considérable d’imagination pour comprendre comment on pouvait y parvenir ; on n’avait aucun souci des contagions, aucune notion des règles hygiéniques les plus élémentaires. Les blessés, les fébricitants, les opérés, les femmes en couches, les galeux, les aliénés, les varioleux, les phtisiques, les convalescents vivaient ou plutôt mouraient dans les mêmes salles, sur les mêmes matelas. La place réservée à chaque malade n’avait guère plus de huit pouces[1]. Les cadavres restaient souvent plusieurs heures près des moribonds qu’ils avaient précédés ; les opérations se faisaient dans la salle commune, sur le lit même où le malheureux était pressé contre ses compagnons. Un détail est horrible et dénote l’intolérable atmosphère où ces misérables croupissaient : quand on soulevait la couverture d’un lit, il s’en échappait une buée visible. La mortalité régulière était d’un sur quatre et demi.

Le cœur de Louis XVI se souleva lorsqu’il apprit à quel état les malades étaient réduits ; on décida que l’Hôtel-Dieu serait supprimé et qu’il serait remplacé par quatre hôpitaux placés aux extrémités de la ville, dans de vastes terrains où l’on trouverait facilement de l’espace et des arbres. Ce beau projet s’en alla à vau-l’eau et ne reçut pas même un commencement d’exécution. Les fonds nécessaires avaient cependant été déposés ; mais Loménie les employa à des dépenses ordinaires auxquelles son incapacité peu scrupuleuse n’avait point su faire face.

  1. Sur les 1 219 lits, il y en avait 733 grands, ayant 52 pouces de largeur, et 486 petits ayant trois pieds. Pendant les moments de presse, on mettait ordinairement six malades dans les premiers et quatre dans les seconds.