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tains moments de troubles politiques, lorsque les fauteurs de mauvaises espérances ont jeté la graine des ambitions confuses dans les cœurs souffrants, lorsqu’on parle, sans savoir ce que l’on dit, de la tyrannie du capital et de l’esclavage du prolétariat, lorsque les sophismes faciles à faire semblent prendre un corps et toucher à l’heure d’une réalisation plus rêvée que possible, l’indigent ne demande plus, il exige. Quand il vient dans les bureaux de l’administration, il entre le chapeau sur la tête, la mine hautaine, la voix acerbe et le ton impérieux. Volontiers il dirait : Le peuple souverain s’avance ! Dans ce cas-là on le met tout simplement à la porte, quitte à lui envoyer un secours le lendemain.

Il y a des indigents, des femmes surtout, qui n’ont pas d’autres moyens d’existence que le recours à la charité publique ; celles-là sont au fait de toutes les sociétés de bienfaisance ; elles ont chez elles, sur leur commode, sur une table, à une place très-apparente, quelque petit Jésus de cire, quelque crèche minuscule ornée de clinquant que des âmes charitables et trop naïves peuvent prendre pour l’indice de sentiments religieux très-sincères. Non-seulement c’est une industrie de quémander pour son propre compte, mais c’en est une de faire quémander les autres. Actuellement, il existe une femme qui s’est instituée d’elle-même visiteuse des indigents ; elle va chez eux, les plaint, les engage à solliciter les aumônes et, moyennant cinquante centimes, écrit leur lettre de demande. Qui croirait qu’elle gagne sa vie, et même assez largement ? On est promptement mis sur la piste de pareilles menées ; lorsque l’on voit constamment la même écriture, la même formule, signée par des noms différents, il n’est point difficile, sans longue enquête, de découvrir la vérité.

Il faut penser que ce n’est pas, après tout, un si sot