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pertes ; on peut dire que par leur correspondance, par leurs agents, ils rayonnent sur la France entière et lui demandent ce qui est nécessaire à la nourriture de Paris. Il n’est point indispensable d’être en relations d’affaires avec eux pour avoir recours à leur entremise. Il suffit, par exemple, de jeter, dans le premier wagon qui passe un panier de fruits, un morceau de viande, à l’adresse des Halles, pour que l’objet y soit apporté, confié à un facteur qui en fera effectuer la vente et dans les vingt-quatre heures tiendra compte à l’expéditeur de la somme qu’il aura touchée. On comprend que ceci donne aux transactions une facilité extraordinaire. Tout individu quel qu’il soit, connu ou inconnu, peut avoir ainsi à des frais singulièrement minimes un représentant de ses intérêts sur l’énorme marché où s’approvisionne la capitale[1].

On a calculé que les Halles parisiennes sont alimentées par les envois ou les apports de plus de 6 000 producteurs qui, pour la plupart, sont représentés par les cinquante-cinq facteurs actuellement en activité. Ceux-ci sont divisés en plusieurs catégories, selon les denrées

  1. Toute réclamation adressée à la préfecture de police sur le service des facteurs donne immédiatement lieu à une enquête, à laquelle prennent part les inspecteurs, les contrôleurs, les vérificateurs. Entre un nombre considérable de réclamations dont les procès-verbaux ont passé sous mes yeux, j’en citerai un qui est caractéristique et prouve avec quel soin toutes ces opérations sont conduites. Un sieur N…, habitant Alger, envoie à un facteur de la halle aux légumes une caisse contenant des artichauts qui, trop pressés et mal emballés, arrivèrent sur le carreau, mous, noirs et flétris. Le vérificateur les ayant reconnus avariés, mais non insalubres, ils sont mis en vente à la criée et adjugés à un prix insigniflant. L’expéditeur réclame et accuse le facteur de l’avoir trompé. La préfecture envoie la plainte à l’inspecteur général ; les livres du facteur sont vérifiés, contrôlés avec le registre de l’administration ; on acquiert la preuve que la vente a été loyale et que la marchandise détériorée ne pouvait atteindre une enchère plus élevée. On répond alors à M. N… pour lui donner des explications concluantes, et l’on pousse la bonne grâce jusqu’à lui expliquer pourquoi ses artichauts sont arrivés en mauvais état, et quelles précautions il aura à prendre dorénavant dans l’emballage de ses denrées pour éviter un nouvel et semblable accident.