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sont journellement formulées, et dans la séance qui suivit la nuit du 4 août, M. d’Antraigues, au nom du comité des rapports, signale des faits regrettables. Les blés achetés au Havre pour l’approvisionnement de Paris et embarqués sur la Seine sont arrêtés par la milice de Louviers et confisqués au profit de cette ville. Des scènes analogues se renouvellent partout. Les provinces ne veulent pas laisser sortir les grains et retiennent violemment les convois qui traversent leur territoire. C’est toujours le vieil esprit municipal qui anime les populations ; l’Assemblée a beau multiplier les décrets, sa volonté et sa puissance se brisent contre d’égoïstes préjugés.

Bien peu de temps après les journées d’octobre, la question du pain soulève encore Paris. Vingt-quatre heures ne se passaient pas sans que l’Hôtel de Ville fût assailli par des bandes défiantes et irritées. Le 21 octobre, un boulanger du marché Palu, nommé François, est traîné à la maison commune sous prétexte qu’il a refusé de vendre du pain. Le pauvre homme donne des explications très-plausibles d’où il résulte que, dans ces jours de disette, pour subvenir aux besoins des malheureux de son quartier, il a fait jusqu’à huit et neuf fournées de suite. Ce furent les femmes, nerveuses et irréfléchies, toujours cruelles aux heures d’émotions populaires, qui le saisirent et le livrèrent à la populace amassée sur la place de Grève ; un bandit appelé George Toinet s’en empara et le pendit[1]. Ce fait, porté à la connaissance de l’Assemblée, motiva la loi martiale, votée séance tenante sur la proposition de Foucault et de Barnave ; elle autorisait les officiers municipaux à faire tirer sur les attroupements après trois sommations restées infructueuses. Une pareille mesure ne faisait que com-

  1. D’après J. Peuchet, ce même Georges Toinet aurait assassiné Flesselles, Foulon et Bertier ; plus tard, il se fit chauffeur.