ii. — les transactions.
Quand les théâtres se ferment, quand les cafés vont être clos, lorsque les lampes s’éteignent dans les maisons, que Paris est sur le point de s’endormir, les Halles s’éveillent et la vie commence à y circuler, à petit bruit d’abord et avec une certaine lenteur que l’obscurité relative des rues semble rendre discrète. Les premiers approvisionneurs qui apparaissent sont les maraîchers, enveloppés dans leur grosse limousine à raies blanches et noires, à demi endormis, conduisant au pas leur cheval paisible. En arrivant, ils s’arrêtent devant une petite guérite où un employé de la préfecture de la Seine leur délivre, à la clarté d’une pâle lanterne, un bulletin constatant qu’ils ont versé au fisc le prix de leur place, qui coûte 20 centimes pour un mètre de face sur deux mètres de profondeur. Ces gens-là sont ce que l’on appelle en langage administratif les forains non abrités.
Le nom est bien choisi. Quel que soit le temps, qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il grêle, qu’il neige, ils sont réduits à rester en plein air, sur les trottoirs du carreau, sur le pavé, grelottants, mouillés, transis. Cela est cruel ; lorsqu’on voit ce spectacle par une nuit d’hiver,