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canots, sur la route. Un déluge de pluies, dégorgeant des nuages qui règnent dans ces climats assez fréquemment, nécessita l’armée à camper dans une île, sous des tentes. L’inondation présageait une submersion générale : l’épée sur la gorge, on forçait ces malheureux Canadiens d’ériger des digues, et creuser des tranchées, au péril imminent de leur destruction ; tans que que les soldats anglais, assis tranquillement sous leurs asiles militaires, en spectateurs oisifs et insensibles, contemplaient avec un sourir insultant le spectacle de ces pauvres nouveaux sujets, dont on sacrifiait la sûreté à celle de l’armée anglaise, dont la conservation était sans doute d’une nature bien éminemment supérieure. Enfin le contre-ordre de l’expédition, de la part du général en chef (qui heureusement se ravisait) atteignit l’armée à-peu-près à la mi-chemin : les Canadiens furent congédiés ; mais avec des vêtements tout déchirés par le mauvais temps, sans poudre, sans munitions de bouche, sans canots même, pour regagner leur patrie éloignée, que la plupart ne revirent qu’après avoir longtemps erré dans le labyrinthe des forêts, et encore par les soins bienfaisants de ces mêmes barbares (c’est le nom dont l’Europe qualifie les sauvages, nom qu’elle mériterait peut-être à plus juste titre qu’eux) que ces malheureux Canadiens étaient allés combattre, par l’ordre inhumain de leurs nouveaux maîtres. Justice, humanité, reconnaissance de conquérants ! voies de nouvelle invention pour se concilier les cœurs de nouveaux