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Ceux qui sont de Phœbus vrais poëtes sacrez,
Animeront leurs vers d’une plus grand’ audace :
Moy, qui suis agité d’une fureur plus basse,
Je n’entre si avant en si profonds secrets.

Je me contenteray de simplement escrire
Ce que la passion seulement me fait dire,
Sans recercher ailleurs plus graves argumens.

Aussi n’ay-je entrepris d’imiter en ce livre
Ceux qui par leurs escrits se vantent de revivre,
Et se tirer tout vifs dehors des monuments.

V

Ceux qui sont amoureux, leurs amours chanteront,
Ceux qui aiment l’honneur, chanteront de la gloire,
Ceux qui sont près du Roy, publieront sa victoire,
Ceux qui sont courtisans, leurs faveurs vanteront :

Ceux qui aiment les arts, les sciences diront,
Ceux qui sont vertueux, pour tels se feront croire,
Ceux qui aiment le vin, deviseront de boire,
Ceux qui sont de loisir, de fables escriront :

Ceux qui sont mesdisans, se plairont à mesdire,
Ceux qui sont moins fascheux, diront des mots pour rire,
Ceux qui sont plus vaillans, vanteront leur valeur :

Ceux qui se plaisent trop, chanteront leur louange,
Ceux qui veulent flater, feront d’un diable un ange :
Moy, qui suis malheureux, je plaindray mon malheur.

VI

Las, où est maintenant ce mespris de Fortune ?
Où est ce cœur vainqueur de toute adversité,
Cest honneste desir de l’immortalité,
Et ceste honneste flamme au peuple non commune ?

Où sont ces doux plaisirs, qu’au soir sous la nuict brune
Les Muses me donnoyent, alors qu’en liberté
Dessus le vert tapy d’un rivage escarté
Je les menois danser aux rayons de la Lune ?