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J’ay, quant à moy, choisi celuy des vers
Pour desaigrir l’ennuy qui me tourmente.

Et c’est pourquoy d’une douce satyre
Entremeslant les espines aux fleurs,
Pour ne fascher le monde de mes pleurs,
J’appreste ici le plus souvent à rire.

Or si mes vers méritent qu’on les louë,
Ou qu’on les blasme, à vous seul entre tous
Je m’en rapporte ici : car c’est à vous,
A vous, Seigneur, à qui seul je les vouë :

Comme celuy qui avec la sagesse
Avez conjoint le droit et l’equité,
Et qui portez de toute antiquité
Joint à vertu le titre de noblesse :

Ne dedaignant, comme estoit la coustume,
Le long habit, lequel vous honorez,
Comme celuy qui sage n’ignorez
De combien sert le conseil et la plume.

Ce fut pourquoy ce sage et vaillant Prince,
Vous honorant du nom d’Ambassadeur,
Sur vostre doz deschargea sa grandeur,
Pour la porter en estrange Province :

Recompensant d’un estat honorable
Vostre service, et tesmoignant assez
Par le loyer de vos travaux passez,
Combien luy est tel service aggreable.

Qu’autant vous soit aggreable mon livre,
Que de bon cœur je le vous offre ici :
Du mesdisant j’auray peu de souci
Et seray seur à tout jamais de vivre.