Page:Du Bellay - Œuvres complètes, édition Séché, tome 2.djvu/173

Cette page n’a pas encore été corrigée

Remplissant l’air de blasphèmes horribles.
Le camp Hebrieu tremblant à ceste fois
D’un taint de mort alla peindre sa face,
Criant au ciel d’une puWique voix,
Venge Seigneur, la sacrilège audace
De ce cruel, qui ton peuple menace.
Lors le Seigneur esbranlant sa main dextre,
Donnoit aux siens un signe de sa grâce,
Heureusement tournant à la senestre.
Et sur le champ apparoistre Ion voit
Un Bergerot à la chère esveillée :
Sa panetière en escharpe il avoit,
Et à son bras sa fronde entortillée.
Lors des deux camps la tourbe esmerveillée
D’un œil fiché en béant le regarde,
Quand d’une grâce au danger aveuglée
Le gay Berger au combat se hazarde.
Mais quand ce fier vint à le regarder,
Si bravement marchant parmy la plaine.
D’un ris amer se prit à l’œillader,
Et de le voir pleignoit quasi la peine.
Puis tout soudain d’une audace hautaine
Se renfrongnant en horrible furie,
Haussa la teste, et d’une voix lointaine
Le survenant par tels mots il escrie :
Dy moy chetif, de ta vie ennuyé,
Petit bout d’homme, et honte de nature
Quel tien haineux t’a ici envoyé,
Pour estre fait des corbeaux la pasture ?
Tu me fais honte, ô vile créature.
Quand je t’aguigne, et quand je me contemple.
Si mourras-tu, ô la belle avanture,
Pour en dresser la despouille en un temple ?
Mais que ne vient sur ceste arène ici
Ce fier Saul avec sa lance ? voire
Ce fort Abner, et ce Jonathe aussi,
A qui son arc a donné tant de gloire.
C’est là, c’est là que ma vertu notoire
Se deust baigner, non poinct en ceste fange.
Qui souillera l’honneur de ma victoire.
Et par sa mort accroistra sa louange.