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d’affirmer que le milieu social ne fausse en rien le libre jeu de cette loi naturelle, et la doctrine purement évolutionniste, pour beaucoup maintenant, doit se mitiger par l’adjonction d’une autre considération.

L’association des êtres vivants impose une limite aux effets absolus de la lutte pour l’existence. Loin que l’antagonisme des éléments dans un organisme ou une société soit la source de la vie et du progrès, c’est leur union et leur concours qui en sont la condition nécessaire. Ce principe se vérifie même dans les agglomérations les plus rudimentaires.

Pour ne pas philosopher sur ce chapitre à perte de vue et nous en tenir à nos sociétés actuelles, nous dirons qu’il ne faut pas voir en elles une somme d’individus juxtaposés, des archipels d’îles peuplées de Robinsons, selon l’expression d’un philosophe contemporain. Chacune d’elles forme un être nouveau, un vrai tout, individuel à son tour et à sa manière, se comportant en tant que corps autrement que ses membres isolés, parce que ceux-ci ont constamment entre eux des rapports qui les rendent dépendants les uns des autres. Toujours d’un droit qui naît, une liberté meurt. Cette conception, d’apparence abstraite, perd bien vite cet aspect et s’éclaire singulièrement par une foule d’exemples que l’on emprunterait facilement au monde moral ou aux faits matériels. Or le terrain qu’elle gagne est autant de perdu pour l’école du laisser-faire, dont l’autorité s’est amoindrie surtout à l’étranger et dans la sphère de l’action pratique.

Une preuve entre bien d’autres. Un des distingués professeurs de nos écoles de droit, M. Gide, n’a-t-il pas pris tout récemment, pour épigraphe d’une nou-