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la vie de l’humanité n’est qu’un mélange ou plutôt une lutte entre ces deux forces primaires : l’une de conservation, l’autre de progrès. Tout réformateur, comme Socrate, sacrifie un coq à Esculape, c’est-à-dire demeure attaché par quelque côté aux opinions courantes que son influence transforme cependant. Il n’en est pas moins vrai que l’individu, après avoir reçu l’empreinte de son milieu, réagit sur lui comme un ferment plus ou moins énergique. C’est pour cela qu’on a dit quelquefois, en outrant un peu la forme, que le progrès est l’œuvre des mécontents. Plus exactement, on peut répéter, car c’est presque un lieu commun, que l’esprit d’entreprise et le goût du nouveau sont la source de tout talent pratique et même spéculatif ; que toute supériorité scientifique est le fruit d’un effort et que la condition humaine s’améliore uniquement grâce à ceux qui luttent, non à ceux qui cèdent passivement.

L’énergie individuelle est un élément de moralisation dans une nation, le correctif nécessaire de la convoitise haineuse mêlée d’indolence et d’abandon de soi-même, qui, tout en n’employant aucun moyen légitime et viril de s’élever, prend plaisir à abaisser les autres. L’homme qui se mesure hardiment avec les difficultés sait mieux ce qu’il en a coûté à d’autres pour les vaincre, et ses désirs ne sont pas de l’envie ; il ne se plaint pas sans cesse que la fortune ne fasse pas pour lui ce que lui-même n’essaie pas de faire, et n’attend pas de la ruse ou de la violence son enrichissement.

Il est fort bien de cultiver l’intelligence, d’affiner le goût général, de répandre à profusion les lumières