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d’appliquer en économie politique ce simple principe : à chacun le sien. Un économiste anglais, Stanley Jevons, compare l’opération productive à la cuisine des trois sorcières de Macbeth qui jettent et agitent dans leur chaudron les substances les plus hétérogènes pour en fabriquer une mixture infernale dans laquelle elles se fondent toutes sans distinction. Chaque individu jette également sans cesse dans le torrent de la circulation, par la vente de ses marchandises ou le louage de ses services, toutes les valeurs qu’il a pu produire ; sans cesse il en retire aussi, sous une forme quelconque, d’autres valeurs. Comment apprécier la somme retirée par chacun de la masse, c’est-à-dire les avantages que lui a procurés la solidarité ?

Il faudrait, pour répondre aujourd’hui à une pareille question, que l’économie politique nous fournît des connaissances singulièrement plus étendues et des principes mieux fixés. « J’ai écrit quelque part, lisons-nous dans un auteur déjà cité, M. Gide, que cette fin de siècle était marquée par un grand dégel de la science économique. Je reconnais que ce n’a pas été sans quelque dommage pour la science, car ce qui suit le dégel, généralement, c’est le gâchis. Et je reconnais que les économistes fidèles à la science pure ont quelque sujet de regretter le temps où les éléments de l’économie politique présentaient les formes géométriques, la solidité et la transparence de beaux cristaux dont les feux semblaient être ceux mêmes de la vérité. Mais qu’y faire ? On ne peut nier que les principes absolus et les formes rigides ne soient en train de se liquéfier quelque peu. »