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ce sujet amène infailliblement le souvenir des Harmonies économiques de Bastiat. La division du travail, l’échange, la concurrence même, nous dit-on, sont, avec les associations professionnelles, les formes de cette dépendance mutuelle à laquelle sont soumis les hommes, sans laquelle aucun d’eux ne pourrait subsister, qui est tellement liée au progrès lui-même qu’elle augmente à mesure que la civilisation monte plus haut. Grâce à elle, la vie est rendue plus facile. Grâce à l’héritage que nous ont laissé les générations d’avant nous, la puissance de l’homme s’est multipliée pour la conquête du bien-être, des richesses se sont accumulées.

Voilà, en raccourci, les faits résultants de la solidarité telle que la nature ou l’état social actuel nous l’impose. Rien ne lui échappe. Elle est, comme la gravitation pour les corps, une loi générale, mais hâtons-nous d’ajouter qu’elle n’a pas la fatalité qui gouverne la matière inerte.

Les sociétés humaines ne sont pas de simples organismes soumis aux forces aveugles. Tout en vivant et en évoluant suivant des règles que la science peut formuler, elles portent en elles-mêmes un élément supérieur, pensée, conscience, volonté, liberté, qui, dans de certaines limites, enlève à ces règles leur caractère imperturbable et en modifie le jeu. Il en résulte que si dans nulle de ses actions l’homme ne peut être considéré isolément de ses ancêtres ou de ses contemporains, on doit ajouter, pour être logique, que jamais il n’a le droit d’agir comme tel. Voici le moment précis où la solidarité cesse d’être un simple fait et devient un devoir.