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LETTRES D’UN INNOCENT


Ajoute à cela que je ne reçois aucune lettre de toi, que je suis isolé avec ma torture morale, et tu peux, ma chérie, te rendre compte de mon état. Mais sois rassurée, je suis de nouveau fort. Je me suis traité de lâche, je me suis dit tout ce que tu aurais pu me dire toi-même si tu avais été auprès de moi ; un innocent n’a jamais le droit de désespérer. Puis, quoique je sois sans nouvelles directes, je sens tous vos cœurs, toutes vos âmes vibrer avec mon cœur et avec mon âme, souffrir avec moi de l’infamie qui couvre mon nom et chercher à la dissiper.

Quand pourras-tu venir passer quelques heures avec moi ? Comme ce serait heureux si je pouvais puiser de nouvelles forces dans ton cœur !

Aurai-je une lettre de toi aujourd’hui ? Je n’ose plus trop l’espérer puisque chaque jour mon espoir est déçu, et la souffrance est chaque fois trop cruelle.

Enfin, ma chérie, que te dire ?… Je ne vis que d’espoir. Nuit et jour, je vois devant moi, comme une étoile brillante, le moment où tout sera oublié, où mon honneur me sera rendu.

Embrasse bien, bien fort, mes chéris pour moi.

Baisers à tous les membres de nos familles.

Quant à toi, je t’embrasse comme je t’aime, c’est-à-dire de toutes mes forces,

Alfred.
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Le 7 février 1895.
(Jeudi.)
Ma bonne Lucie,

J’ai reçu dimanche dernier un paquet d’une quinzaine de lettres, toutes antérieures au dimanche