Page:Dreyfus - Lettres d un innocent (1898).djvu/86

Cette page a été validée par deux contributeurs.
87
LE CAPITAINE DREYFUS

Quand je regarde en arrière, mes souffrances sont tellement épouvantables que j’en éprouve des secousses nerveuses horribles. Je regarde toujours en avant avec l’espoir que bientôt tout se découvrira et qu’on me rendra mon honneur, ce que j’ai de plus cher en ce monde.

Fasse Dieu et la justice que ce moment arrive bientôt ! Vraiment j’ai assez souffert. Nous avons tous assez souffert.

J’espère que tu te soignes toujours ; il te faut, ma chère adorée, toutes tes forces physiques pour pouvoir supporter les tortures morales qu’on t’inflige.

Comment vont tous les membres de nos deux familles ? Donne moi de leurs nouvelles, puisque je ne puis en avoir directement.

Embrasse nos deux chéris, tout le monde pour moi. Je t’embrasse de toutes mes forces.

Alfred.
————
Le 24 janvier 1895.
Ma chère Lucie.

D’après ta lettre datée de mardi, tu n’as encore reçu aucune lettre de moi. Comme tu dois souffrir, ma pauvre chérie ! Quel horrible martyre pour tous deux ! Sommes-nous assez infortunés ! Qu’avons-nous donc fait pour subir une pareille infortune ? C’est précisément ce qu’il y a de plus épouvantable : c’est qu’on se demande de quel crime on est coupable, quelle faute on expie.

Ah ! le monstre qui a jeté la honte et le déshonneur