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LETTRES D’UN INNOCENT

siècle de lumière et de vérité ? Qu’on cherche, je ne demande aucune grâce, mais je demande la justice qu’on doit à tout être humain. Qu’on poursuive les recherches ; que ceux qui possèdent de puissants moyens d’investigation les utilisent dans ce but, c’est pour eux un devoir sacré d’humanité et de justice. Il est impossible alors que la lumière ne se fasse pas autour de ma mystérieuse et tragique affaire.

Ô Dieu ! qui me rendra mon honneur qu’on m’a volé, qu’on m’a dérobé ?

Ah ! quel sombre drame, ma pauvre chérie ! Il est certain qu’il dépasse, comme tu le dis si bien, tout ce qu’on peut imaginer.

Je n’ai que deux moments heureux dans la journée, mais si courts. Le premier, quand on m’apporte cette feuille de papier afin de pouvoir t’écrire ; je passe ainsi quelques instants à causer avec toi. Le second, quand on m’apporte ta lettre journalière. Le reste du temps, je suis en tête à tête avec mon cerveau, et Dieu sait si mes réflexions sont tristes et sombres.

Quand cet horrible drame finira-t-il ? Quand aura-t-on enfin découvert la vérité ? Ah, ma fortune tout entière à celui qui sera assez habile et adroit pour déchiffrer cette lugubre énigme !

Donne-moi des nouvelles de tous les nôtres.

Embrasse tout le monde de ma part.

Je n’ose te parler de nos bons chéris. Quand je regarde leurs photographies, quand je vois leurs yeux si bons, si doux, les sanglots me montent du cœur aux lèvres. Quand on souffre pour quelque chose ou pour quelqu’un, c’est compréhensible…