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LE CAPITAINE DREYFUS

sent parfois, les accès de colère folle qui me secouent à certains moments…

J’ai reçu hier soir une bonne nouvelle. On m’a appris que je verrai ta mère aujourd’hui ; je m’en réjouis à l’avance.

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5 heures 1/2.

J’ai vu quelques instants Me Demange. Après lui, j’ai eu le plaisir de voir ta mère.

J’étais tellement énervé aujourd’hui que j’ai eu presque des faiblesses devant elle ; que veux-tu, parfois je redeviens un homme avec toutes ses faiblesses et toutes ses passions.

Avoue d’ailleurs qu’il y a dans ma situation de quoi abattre les plus forts.

Ah ! crois bien que si ce n’était pour toi, pour nos chers enfants, il me serait plus doux de mourir. Mais il faut que je me raidisse contre la douleur, il faut que je me dise que je supporterai tous les calvaires, tous les martyres, jusqu’au jour où mon innocence éclatera au grand jour.

Il est impossible qu’il en soit autrement.

Je résisterai jusqu’au bout, sois-en convaincue. Mais il m’échappera parfois encore des cris de colère, des cris de douleur.

Embrasse tout le monde, nos chéris pour moi.

Ton dévoué,

Alfred.
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7 heures.

Mon moment de faiblesse est passé. Je vois et je vis dans l’avenir. Courage donc tous, tôt ou tard l’innocence triomphera