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LETTRES D’UN INNOCENT

aura trouvé le coupable, je supporterais vaillamment et sans sourciller les tortures physiques… et puis songe à cette atmosphère qui va m’envelopper durant la route que j’ai encore à parcourir !

Enfin, faisons taire mon cœur. Je puise chaque fois de nouvelles forces, une nouvelle dose de patience dans ton regard.

Ne pense donc plus à mes souffrances. Tu ne peux les soulager qu’en agissant comme tu le fais, c’est-à-dire en cherchant le coupable sans trêve ni repos.

J’ai lu les quelques lignes de Pierrot dans la lettre de Marie. Merci beaucoup à tous deux, surtout à la main qui a dirigé celle de Pierrot.

Fais de nos chers enfants des êtres vigoureux et sains.

Je t’embrasse comme je t’aime,

Alfred.
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Le 15 janvier 1895.
(Mardi, 9 heures du matin)
Ma chérie,

J’ai beaucoup pensé cette nuit à ce que tu m’as dit hier en m’exhortant à la patience, en me faisant comprendre que rien ne se fait en un jour. Hélas, je le sais bien, mais je souffre précisément de mes qualités qui sont des défauts dans les circonstances actuelles. Homme d’action, je suis impatient de voir déchiffrer cette énigme qui me torture le cerveau.

Enfin, tu me comprends, ma chérie, puisque tu me connais si bien. Il est inutile que je retrace chaque jour les fièvres d’impatience qui me saisis-