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LETTRES D’UN INNOCENT

tous les moyens sont bons. Le hasard seul ne suffit pas.

Peut-être arriverai-je à surmonter l’horrible terreur que m’inspire la peine infamante que je vais subir. Être un homme d’honneur et se voir arracher, quand on est innocent, son honneur, quoi de plus épouvantable ? C’est le pire de tous les supplices, pire que la mort. Ah ! si j’arrive jusqu’au bout, ce sera bien pour toi, ma chère adorée, car tu es le seul fil qui me rattache à la vie.

Comme nous nous aimions !

C’est aujourd’hui surtout que je sens toute la place que tu as dans mon cœur. Mais, avant tout, soigne-toi, occupe-toi de ta santé. Il le faut, à tout prix, pour mes enfants, qui ont besoin de toi.

Donc, poursuivez vos recherches à Paris comme là-bas. Tout est à tenter, il ne faut rien négliger. Le nom du coupable, il y a forcément des personnes qui le connaissent.

Je t’embrasse,

Alfred.
————
26 décembre 1894.
(Mercredi, deux heures.)
Ma chérie,

Je viens de recevoir tes deux lettres et celle de Marie.

Tu es sublime, mon adorée, et j’admire ton courage et ton héroïsme. Je t’aimais déjà ; aujourd’hui, je me mets à deux genoux devant toi, car tu es une femme sublime. Mais ne te laisse pas abattre, je t’en supplie ; pense à nos enfants, qui ont besoin de toi.