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LE CAPITAINE DREYFUS

humiliation ; j’aimerais mieux me trouver devant un peloton d’exécution. Je ne crains pas la mort ; je ne veux pas du mépris.

Quoi qu’il en soit, je te prie de recommander à tous de lever la tête comme je le fais moi-même, de regarder le monde en face sans faiblir. Ne courbez jamais le front et proclamez bien haut mon innocence.

Maintenant, ma chérie, je vais de nouveau laisser tomber ma tête sur l’oreiller et penser à toi.

Je t’embrasse et te serre sur mon cœur.

Alfred.

Embrasse bien, bien les petits pour moi.

Veux-tu être assez bonne pour faire déposer 200 fr. au greffe de la prison.

————
25 décembre 1894.
Ma chérie,

Je ne puis pas dater cette lettre, car je ne sais même pas quel jour nous sommes. Est-ce mardi ? Est-ce mercredi ? Je ne sais. Toujours est-il qu’il fait nuit. Comme le sommeil fuit mes paupières, je me lève pour t’écrire.

Parfois il me semble que tout cela n’est pas arrivé, que je ne t’ai jamais quittée.

Dans mes hallucinations, tout ce qui vient de nous arriver me paraît un mauvais cauchemar ; mais le réveil est terrible.

Je ne puis plus croire à rien, sinon en ton amour, en l’affection de tous les nôtres.

Il faut toujours chercher le véritable coupable ;