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LE CAPITAINE DREYFUS

dence, c’est la torture morale la plus épouvantable.

J’essaierai donc de vivre pour toi, mais j’ai besoin de ton aide.

Ce qu’il faut surtout, quoi qu’il advienne de moi, c’est chercher la vérité, c’est remuer ciel et terre pour la découvrir, c’est y engloutir s’il le faut notre fortune, afin de réhabiliter mon nom traîné dans la boue. Il faut à tout prix laver cette tache immérité.

Je n’ai pas le courage de t’écrire plus longuement. Embrasse tes chers parents, nos enfants, tout le monde pour moi.

Mille et mille baisers,

Alfred.

Tâche d’obtenir la permission de me voir. Il me semble qu’on ne peut te la refuser maintenant.

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Lundi, 24 décembre 1894.
Ma chérie,

C’est encore à toi que j’écris, car tu es le seul fil qui me rattache à la vie. Je sais bien que toute ma famille, que toute la tienne m’aiment et m’estiment ; mais enfin, si je venais à disparaître, leur chagrin si grand finirait par disparaître avec les années.

C’est pour toi seule, ma pauvre chérie, que j’arrive à lutter ; c’est ta pensée qui arrête mon bras. Combien je sens, en ce moment, mon amour pour toi ; jamais il n’a été si grand, si exclusif. Et puis, un faible espoir me soutient encore un peu : c’est de pouvoir un jour réhabiliter mon nom. Mais surtout, crois-le bien, si j’arrive à lutter jusqu’au bout