Page:Dreyfus - Lettres d un innocent (1898).djvu/29

Cette page a été validée par deux contributeurs.
30
LETTRES D’UN INNOCENT

ne parle pas des calomnies infâmes et anonyme qu’on a débitées sur mon compte ; elles ne m’ont pas touché, je les méprise.

Embrasse bien nos chéris pour moi, et reçois pour toi les tendres baisers de ton dévoué mari,

Alfred.
————
Dimanche, 17 décembre 1894.

.

Ma chère Lucie,

Je ne sais si cette lettre te parviendra aujourd’hui, car les bureaux sont fermés. Je ne veux cependant pas laisser passer cette journée sans t’écrire un mot. Je suis heureux de te savoir entourée de toute la famille, ton chagrin doit être ainsi moins grand, car rien ne soutient comme l’affection qu’on vous témoigne.

Quant à moi, ma chérie, n’aie aucune inquiétude. Je suis prêt à paraître devant mes juges, l’âme tranquille.

Je puis paraître devant eux comme je paraîtrai quelque jour devant Dieu, le front haut, la conscience pure.

Je suis heureux de savoir que votre santé à tous est bonne, ainsi que celle des enfants.

Continue à bien te soigner, ma chérie, et conserve tout ton courage. L’épreuve, il est vrai, est grande, mais mon courage ne l’est pas moins.

Si j’ai eu des moments d’abattement terribles, si j’ai supporté une torture morale épouvantable du soupçon qu’on faisait planer sur moi, par contre ma tête est toujours restée haute. Aujourd’hui comme