Page:Dreyfus - Lettres d un innocent (1898).djvu/264

Cette page a été validée par deux contributeurs.
265
APPENDICE

nouvelle des siens, fut autorisé pour la première fois à correspondre avec sa famille, mais sous le contrôle du commissaire du gouvernement, auquel on remettait toutes les lettres expédiées ou reçues. J’ai assisté aux deux seules entrevues autorisées qu’il a eues avec sa femme et à celle qu’il eut avec sa belle-mère. Elles furent émouvantes.

Dès que le pourvoi fut connu, le commandant du Paty vint encore, avec une autorisation spéciale du ministre ordonnant de le laisser communiquer librement avec Dreyfus.

Après s’être enquis de « l’état d’âme » du condamné, il se rendit près de lui, tout en enjoignant à l’agent principal de demeurer à portée de son premier appel, si besoin était.

Dans cette dernière entrevue, il ressort d’une lettre écrite immédiatement par Dreyfus au ministre de la guerre que le commandant du Paty s’efforça d’obtenir un aveu de culpabilité ou, tout au moins, celui d’un « acte imprudent d’amorçage ».

Dreyfus répondit qu’il n’avait jamais amorcé personne, qu’il était innocent.

Le 4 janvier 1895, j’étais déchargé de la lourde responsabilité qui m’incombait.

Après avoir serré la main au capitaine Dreyfus, je le remettais aux gendarmes qui le conduisirent, menottes aux poings, à l’École militaire où il subit, en criant son innocence, la dégradation — supplice plus terrible que la mort — puis l’exil.

J’ai eu à remplir une mission extrêmement pénible et triste, ayant vécu pour ainsi dire près de trois mois de l’existence de ce malheureux, puisque j’avais