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APPENDICE


Dans l’après-midi, je me rendis, sur convocation, près du général de Boisdeffre, que je suivis chez le Ministre de la guerre. Le général m’ayant demandé mon opinion, je répondis sans hésitation :

— On fait fausse route, cet officier n’est pas coupable.

C’était ma conviction, et elle n’a fait que se confirmer.

Entré seul dans le cabinet du Ministre, le général en ressortait quelques instants après, paraissant fort ennuyé, pour me dire :

— Le ministre part pour aller assister au mariage de sa nièce et me laisse « carte blanche » ; tâchez de me conduire Dreyfus jusqu’à son retour, il s’en arrangera ensuite.

Je fus porté à penser que le général de Boisdeffre était resté étranger à l’arrestation ou qu’il ne l’approuvait pas. Néanmoins, le général m’ordonna de faire visiter secrètement le capitaine par le médecin de l’établissement, qui prescrivit des potions calmantes et une surveillance incessante.

À partir du 27, le commandant du Paty de Clam vint presque journellement lui faire subir de nouveaux interrogatoires et épreuves d’écriture, qui n’avaient d’autre but, chaque fois, que d’obtenir un aveu contre lequel Dreyfus ne cessait de protester.

Jusqu’au jour où ce malheureux fut livré au magistrat rapporteur du Conseil de guerre, il se savait accusé du crime de « haute trahison », sans toutefois en connaître la nature.

L’instruction fut longue, minutieuse, et pendant qu’elle se poursuivait, Dreyfus croyait si peu à sa