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APPENDICE

eût vu et questionné le capitaine. C’est dire aussi que l’incarcération fut faite à l’insu du Gouverneur de Paris, qui en fut avisé par un officier supérieur de l’État-Major du Ministre, envoyé à cet effet, puisque j’avais reçu la défense de le faire moi-même.

L’agent principal de la prison, auquel j’avais donné mes instructions, après avoir fait inscrire sur le registre d’écrou le nom de « Dreyfus », sans aucune autre indication pouvant indiquer qui il était, conduisit le capitaine dans la chambre qui lui était assignée.

À partir de ce moment, Dreyfus fut muré vivant dans sa chambre ; nul ne pouvait voir le prisonnier, dont la porte, pendant tout le temps de sa présence au Cherche-Midi, ne devait s’ouvrir qu’en ma présence.

Peu d’instants après, je me rendis près du capitaine Dreyfus. Il était dans un état de surexcitation impossible ; j’avais devant moi un véritable aliéné, aux yeux injectés de sang, ayant tout bouleversé dans sa chambre. Je parvins, non sans peine, à le calmer.

J’eus l’intuition que cet officier était innocent. Il me supplia de lui donner les moyens d’écrire, ou de le faire moi-même, pour demander au Ministre de la guerre à être entendu par lui ou par un des officiers généraux du Ministère.

Il me raconta les phases de son arrestation, qui ne furent ni dignes, ni militaires.

Du 18 au 24 octobre, le commandant du Paty de Clam, qui avait procédé à l’arrestation de Dreyfus au Ministère de la guerre, vint, muni d’une autori-