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APPENDICE

d’honneur d’avoir à exécuter à la lettre les injonctions ministérielles qu’il allait me communiquer, tant par écrit que verbalement.

Une de ces communications m’ordonnait de mettre le prisonnier au secret le plus absolu et de veiller à ce qu’il n’eût par devers lui ni couteau, ni papier, ni plume, ni encre, ni crayon.

Il devait également vivre à l’ordinaire des condamnés ; mais cette mesure fut annulée, sur une observation que je fis, comme étant irrégulière.

Le colonel m’ordonna de prendre, sans me les indiquer, les précautions que je jugerais nécessaires pour que l’incarcération demeurât ignorée au dedans et au dehors de la prison.

Il demanda à visiter les locaux affectés aux officiers et il désigna celui que devait occuper le capitaine Dreyfus.

Il me mit en garde contre les démarches probables que tenterait la « haute juiverie » dès qu’elle connaîtrait l’incarcération.

Je ne vis personne et aucune démarche ne fut faite près de moi. Pour ne pas y revenir, j’ajoute que, durant toute la détention du prisonnier, je ne suis jamais entré et n’ai jamais séjourné dans sa cellule sans y avoir été accompagné par l’agent principal, qui seul possédait la clef de cette chambre cellulaire.

Vers midi, le capitaine Dreyfus, en tenue civile, arriva en fiacre, accompagné de M. le commandant Henry et d’un agent de la Sûreté. Cet officier supérieur me remit l’ordre d’écrou, qui était signé du Ministre lui-même et portait la date du 14, ce qui prouve que l’arrestation était prononcée avant qu’on