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Le 7 février 1898.
Chère Lucie,

Je viens de recevoir tes chères lettres de décembre et mon cœur se brise, se déchire devant tant de souffrances imméritées. Je te l’ai dit, ta pensée, celle des enfants, me relèvent toujours, vibrant de douleur, de suprême volonté devant ce que nous avons de plus précieux au monde : notre honneur, la vie de nos enfants, pour jeter le cri d’appel de plus en plus vibrant de l’homme qui ne demande que la justice pour lui et les siens, et qui y a droit.

Depuis trois mois, dans la fièvre et le délire, souffrant le martyre nuit et jour pour toi, pour nos enfants, j’adresse appels sur appels au chef de l’État, au gouvernement, à ceux qui m’ont fait condamner, pour obtenir de la justice enfin, un terme à notre effroyable martyre, sans obtenir de solution.

Je réitère aujourd’hui mes demandes précédentes au chef de l’État, au gouvernement avec plus d’énergie encore s’il se peut, car tu n’as pas à subir encore un pareil martyre, nos enfants n’ont pas à grandir déshonorés, je n’ai pas à agoniser dans un cachot pour un crime abominable que je n’ai pas commis. Et j’attends chaque jour d’apprendre que le jour de la justice a enfin lui pour nous.

Je t’embrasse comme je t’aime, de toute la puissance de mon affection, ainsi que nos chers et adorés enfants.

Ton dévoué,

Alfred.

Mille et mille baisers à tes chers parents, à tous les nôtres.

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