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LETTRES D’UN INNOCENT

Ministre de la guerre, à M. le général de Boisdeffre ; j’ai remis le sort de tant de victimes innocentes, le sort de nos enfants entre leurs mains ; j’ai confié l’avenir de nos enfants à M. le général de Boisdeffre. J’attends avec une fiévreuse impatience avec ce qui me reste de forces leur réponse.

Je veux souhaiter que j’aurai encore une minute de bonheur sur cette terre, mais ce dont je n’ai pas le droit de douter, c’est que justice ne soit faite, c’est que justice ne te soit rendue, à toi, à nos enfants. Je te dirai donc : courage et confiance !

Je t’embrasse comme je t’aime, avec tout ce que mon cœur contient d’affection profonde pour toi, pour nos adorés enfants, pour tes chers parents, pour tous les nôtres.

Mille baisers encore de ton dévoué,

Alfred.
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Le 26 janvier 1898.
Ma chère Lucie,

Dans les dernières lettres que je t’ai écrites, je t’ai dit ce que j’avais fait, à qui j’avais confié notre sort, celui de nos enfants, quels appels j’ai adressés. Inutile de te dire avec quelle anxiété j’attends une réponse, tellement les minutes me sont devenues lourdes. Mais ma pensée est tellement tendue nuit et jour vers toi, vers nos enfants, que je veux t’écrire encore pour te donner les conseils que je te dois.

J’ai lu et relu toutes tes lettres, les vôtres, et je crois que depuis longtemps nous vivons de malentendus qui viennent de diverses causes (tes lettres