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LETTRES D’UN INNOCENT


Je t’embrasse comme je t’aime, de toutes mes forces, de toute la puissance de mon affection, ainsi que nos chers et adorés enfants.

Ton dévoué,

Alfred.

Mille baisers à tes chers parents, à tous les nôtres.

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Le 9 janvier 1898.

Après une longue et terrible attente, je viens de recevoir tout à la fois les courriers du mois d’octobre et du mois de novembre.

Je n’ai pas besoin de te dire quelle émotion indescriptible s’empare de moi à la lecture des lignes de ceux que j’aime tant, de ceux pour qui je donnerais mon sang goutte à goutte, de ceux enfin pour qui je vis.

Si je pensais, chérie, à moi seul, il y a longtemps que je serais dans la tombe ; c’est ta pensée, celle de tes enfants qui me soutiennent, qui me relèvent quand je plie sous le poids de telles souffrances. Je t’ai dit dans mes dernières lettres tout ce que j’avais fait, tous les appels que j’ai encore adressés pour toi, pour nos enfants.

Si la lumière que nous attendons depuis plus de trois ans ne se fait pas, elle se fera dans un avenir que nous ne connaissons pas.

Comme je te l’ai dit dans une lettre, nos enfants grandissent, leur situation, la nôtre est effroyable, celle que je supporte est absolument impossible. C’est pourquoi j’ai remis notre sort, celui de nos enfants entre les mains de M. le Ministre de la