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LE CAPITAINE DREYFUS

de mes tortures propres, le climat y suffirait à lui seul à cette époque ; le cœur a besoin aussi de se dégonfler, l’être humain de crier ses détresses, ses défaillances.

Mais ne revenons pas sur tout cela ; tout ce que je veux te dire toujours, c’est que la lumière sur cette tragique histoire, tu dois la réclamer, la vouloir, la poursuivre inflexiblement, sans jactance, sans passion, mais avec le sentiment inébranlable de ton droit, avec ton cœur d’épouse et de mère horriblement mutilé et blessé, avec une énergie et une volonté croissante chaque jour avec tes souffrances.

Je veux donc simplement aujourd’hui, en attendant tes chères lettres, t’embrasser de tout mon cœur, de toutes mes forces, comme je t’aime, ainsi que nos adorés enfants, souhaiter comme toujours que notre effroyable martyre ait enfin un terme, mais te répéter aussi toujours mille et mille fois : courage !

Mille baisers encore,

Alfred.
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Le 4 novembre 1897.
Ma chère et bonne Lucie,

Je viens à l’instant de recevoir tes lettres ; les paroles, ma bonne chérie, sont bien impuissantes à rendre tout ce que la vue de ta chère écriture réveille d’émotions poignantes dans mon cœur, et cependant ce sont les sentiments de puissante affection que cette émotion réveille en moi qui me donnent la force d’attendre le jour suprême où la vérité sera enfin faite sur ce lugubre et terrible drame.

Tes lettres respirent un tel sentiment de confiance