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LETTRES D’UN INNOCENT
Le 5 juillet 1897.
Ma chère et bonne Lucie,

Je viens de recevoir ton courrier du mois d’avril, ainsi que celui de mai et toutes les lettres de la famille.

Je m’associe de toutes les forces de mon âme aux vœux de bonheur que tu fais avec tant de cœur pour Marie. En l’embrassant de ma part, tu lui diras encore que j’ai trouvé quelques larmes, moi qui ne sais plus pleurer, en pensant à sa joie mêlée de tant de souffrances.

Je souhaite aussi de toutes les forces de mon âme pour toi, ma pauvre chérie, que le terme de cet effroyable martyre soit proche et si un homme qui a tant souffert peut encore exprimer un vœu, je joins les mains dans une prière suprême, que j’adresse encore à tous ceux auxquels j’ai fait appel, pour qu’ils t’apportent un concours plus ardent, plus généreux que jamais dans la découverte de la vérité. Je suis d’ailleurs certain que ce concours t’est tout acquis, pleinement acquis…, et je souhaite avec tout ce que mon cœur contient de tendresse pour toi, d’affection pour nos enfants, que tous ces efforts aboutissent bientôt.

Pour moi, chère et bonne Lucie, pour moi qui t’aurais donné de tout mon cœur, de toute mon âme, toutes les gouttes de mon sang, pour t’alléger une peine, pour t’épargner une souffrance…, je n’ai pu que vivre depuis si longtemps au milieu de tant de tortures. Je l’ai fait pour toi, pour nos enfants.

Mais je veux te répéter toujours : courage et cou-