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LE CAPITAINE DREYFUS

souffrances, comme une âme humaine très haute et très pure, qui a un devoir sacré à remplir.

Sois invinciblement forte et vaillante, les yeux fixés droit devant toi, vers le but, sans regarder ni à droite, ni à gauche.

Ah ! je sais bien que tu n’es aussi qu’un être humain…, mais quand la douleur devient trop grande, si les épreuves que l’avenir te réserve sont trop fortes, regarde nos chers enfants, et dis-toi qu’il faut que tu vives, qu’il faut que tu sois là, leur soutien, jusqu’au jour où la patrie reconnaîtra ce que j’ai été, ce que je suis.

D’ailleurs, comme je te l’ai dit, j’ai légué à ceux qui m’ont fait condamner un devoir auquel ils ne failliront pas, j’en ai l’absolue certitude.

Te parler de l’éducation des enfants, c’est inutile, n’est—ce pas ? Nous avons trop souvent, dans nos longues causeries, épuisé ce sujet, et nos cœurs, nos sentiments, tout en nous enfin était si uni, que tout naturellement l’accord s’est fait sur ce qu’elle devait être, et qui peut se résumer en ceci : en faire des êtres forts physiquement et moralement.

Je ne veux pas insister trop longuement sur tout ceci, car il est des pensées trop tristes, dont je ne veux pas t’accabler.

Mais ce que je veux te répéter de toutes les forces de mon âme, de cette voix que tu devras toujours entendre, c’est courage et courage ! Ta patience, ta volonté, les nôtres, ne devront jamais se lasser jusqu’à ce que la vérité tout entière soit révélée et reconnue.

Ce que je ne saurais assez mettre dans mes lettres, c’est tout ce que mon cœur contient d’affection pour