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LE CAPITAINE DREYFUS
Le 22 novembre 1896.
Ma chère et bonne Lucie,

Je ne t’ai pas écrit au début du mois par le courrier anglais, car j’attendais chaque jour ton courrier de septembre ; je ne l’ai pas encore reçu. Comme je te le disais dans ma dernière lettre qui date, hélas, d’un mois déjà, j’espère que d’autres cœurs ressentiront avec nous les atroces souffrances de nos longs mois de martyre, cette torture incessante, inexprimable de toutes les heures, de toutes les minutes, toute l’horreur enfin d’une situation morale aussi écrasante, qu’ils t’apporteront un concours ardent, généreux, dans la découverte de la vérité, et je ne puis que souhaiter pour tous deux, ma pauvre chérie, et pour tous, d’entendre bientôt une parole humaine qui soit une bonne parole, qui vienne mettre un léger baume sur notre cuisante blessure, raffermir un peu nos cœurs, nos cerveaux si ébranlés, si épuisés par tant d’émotions, par tant d’épouvantables secousses. Je ne puis donc, en attendant tes chères lettres, que t’envoyer l’écho de mon immense affection, t’embrasser de tout mon cœur, de toutes mes forces, comme je t’aime, ainsi que nos chers et adorés enfants.

Ton dévoué,

Alfred.

Baisers à tes chers parents, à tous nos frères et sœurs, à tous les nôtres.

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Le 22 décembre 1896.
Ma chère Lucie,

Quelques lignes seulement en attendant tes chères lettres, pour t’envoyer l’écho de ma profonde affec-