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LE CAPITAINE DREYFUS

pour tous, d’apprendre que ce supplice a un terme.

Embrasse nos enfants pour moi et reçois pour toi les meilleurs baisers de ton dévoué,

Alfred.

Embrasse tes parents, tous les nôtres pour moi.

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Le 24 août 1896.
Chère Lucie,

J’ai répondu au début du mois quelques lignes seulement à tes chères lettres de mai et de juin. L’impression qu’elles me causaient après une si longue attente était trop vive pour que je pusse t’écrire longuement ; je les lis et relis chaque jour, il me semble vivre ainsi quelques instants près de toi, sentir ton cœur battre près du mien. Et quand je considère ce morceau de papier banal sur lequel je t’écris, je voudrais pouvoir y mettre tout mon cœur, tout ce qu’il contient pour toi, pour nos enfants, pour tous, l’imprégnant ainsi de toute l’ardeur de mon âme, de tout mon courage, de toute ma volonté.

Crois donc, chère Lucie, que je n’ai jamais un moment de découragement quant au résultat à atteindre. Mais aussi quelle impatience me dévore de voir arriver le terme de ces atroces tortures !

Il est des douleurs tellement intenses pour des gens de cœur, que la plume est impuissante à les rendre. Et cette douleur, la même pour nous tous, je la renferme nuit et jour, sans qu’une plainte s’exhale de mes lèvres ; j’accepte tout, comprimant mon