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LE CAPITAINE DREYFUS

chers parents, tous les nôtres enfin, et je termine par ce cri ardent de mon âme : toujours et encore courage, ma chère et bonne Lucie !

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Le 24 juillet 1896.
Ma chère Lucie,

Je n’ai pas reçu tes lettres de mai ; les dernières nouvelles que j’ai de toi datent de trois mois. Tu vois que les coups de massue ne me manquent pas ; je ne veux pas augmenter tes peines en te décrivant ma douleur. D’ailleurs, peu importe. Quel que soit notre supplice, si épouvantable que soit notre martyre, le but est invariable, ma chère Lucie : la lumière, l’honneur de notre nom.

Je ne fais que te répéter ce cri de mon âme : du courage, du courage, et du courage, jusqu’à ce que le but soit atteint.

Quant à moi, je retiens de toute mon énergie ce qui me reste de forces ; je comprime nuit et jour mon cerveau et mon cœur, car je veux voir la fin de ce drame. Je souhaite pour tous deux que ce moment ne tarde plus.

Quand tu recevras ces quelques lignes, le jour de ta fête sera passé. Je ne veux pas insister sur des pensées aussi cruelles pour tous deux, mais je ne saurais être plus en esprit avec toi ce jour-là que les autres.

Je t’embrasse de tout mon cœur, de toutes mes forces, ainsi que nos enfants.

Ton dévoué,

Alfred.
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