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LETTRES D’UN INNOCENT

Comme je te l’ai déjà dit, il ne doit pas rester un seul Français qui puisse douter de notre honneur.

Embrasse de tout ton cœur nos chers enfants pour moi et reçois pour toi mille baisers les plus tendres, les plus affectueux de ton dévoué,

Alfred.

Embrasse tes chers parents, tous les nôtres pour moi. Dans le courrier que je viens de recevoir, je n’ai pas trouvé de lettres de mes sœurs, excepté d’Henriette. J’espère que ces chères sœurs ne sont pas malades de ces émotions terribles et continuelles.

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22 mai 1896.
Ma chère Lucie,

Tes bonnes et si affectueuses lettres de mars ont été les chers et doux compagnons de ma solitude. Je les ai lues, relues, pour me rappeler mon devoir, chaque fois que la situation m’écrasait sous son poids. J’ai souffert avec toi, avec tous ; toutes les angoisses épouvantables par lesquelles vous passez sont venues faire écho aux miennes.

Tu me demandes de t’écrire, de venir dégonfler auprès de toi mon cœur meurtri et déchiré, chaque fois que l’amertume en serait trop grande. Ah ! ma pauvre Lucie ! si je voulais t’écouter, je t’écrirais bien souvent, car je n’ai pas un moment de répit. Mais pourquoi viendrais-je ainsi t’arracher l’âme ? Je le fais déjà trop fréquemment, et quand je suis venu gémir ainsi, j’en ai toujours un regret cuisant, car tu souffres déjà assez, beaucoup trop, mais que veux--