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LETTRES D’UN INNOCENT


C’est vers ce but que doivent tendre toutes vos énergies, toutes vos forces, tous vos moyens. Je souhaite d’apprendre que ce but est bientôt atteint, que ce martyre épouvantable de toute une famille a un terme. Mon corps, ma santé, tout cela me laisse bien indifférent. Tout mon être n’est animé que d’une seule pensée, que d’une volonté qui me fait vivre : voir, entre mes enfants et toi, le jour où l’honneur me sera rendu. C’est dans ta pensée, dans celle de nos enfants adorés que je repose ma tête, parfois trop fatiguée par cette tension continuelle, par cette fièvre d’impatience, par cette inactivité terrible, sans un moment de diversion.

Si donc nous ne pouvons nous empêcher de souffrir, car jamais êtres humains, qui placent l’honneur au-dessus de tout, n’ont été frappés de telle sorte, je te crie toujours courage et courage pour marcher à ton but, la tête haute, le cœur ferme, avec une volonté inébranlable, jamais défaillante. Tes enfants te disent ton devoir comme ils me donnent ma force.

Espérons, comme le dit ta mère, que nous pourrons bientôt, dans les bras les uns des autres, essayer d’oublier ce martyre effroyable, ces mois si tristes et si décevants, et revivre en nous consacrant à nos enfants.

Je t’embrasse comme je t’aime, de toutes mes forces, ainsi que nos chers enfants.

Ton dévoué,

Alfred.

Baisers à tous.

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