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LETTRES D’UN INNOCENT

Baisers à tes chers parents, à tous les nôtres.

Depuis de longs mois aussi, je ne reçois plus ni livres ni revues. L’envoi que tu m’annonçais dans ta lettre du mois d’août ne m’est pas encore parvenu ! C’est à n’y rien comprendre.

Je pensais que tu continuerais à m’envoyer chaque mois, directement, les revues et quelques colis postaux de livres. Aussi suis-je tout le jour, autant ajouter presque toute la nuit, sans une minute, sans une seconde d’oubli, à contempler les quatre murs de mon cabanon. Enfin, peu importe ; mais tu ferais bien de t’informer ce que sont devenus ces livres.

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Le 31 décembre 1895.
Ma chère Lucie,

Je t’ai écrit il y a quelques jours pour te dire que je n’avais pas encore reçu ton courrier du mois d’octobre. Enfin, après une longue et terrible attente, je viens de recevoir ton courrier du mois d’octobre, en même temps que celui du mois de novembre.

Comme je te cause parfois de la peine, ma pauvre chérie, par mes lettres, et tu souffres déjà tant ! Mais c’est parfois plus fort que moi, tant je voudrais voir la fin de cet horrible drame, car je donnerais volontiers mon sang goutte à goutte pour apprendre enfin que mon innocence est reconnue, que les scélérats doublement criminels sont démasqués.

Mais quand je souffre trop, quand je défaille devant cette vie de souvenirs hallucinants, de contrainte de toutes mes forces physiques et intellectuelles… je