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LETTRES D’UN INNOCENT

Forte de ta conscience, tu as le droit, je dis même le devoir, de tout tenter, de tout oser, pour avoir la lumière sur cette tragique histoire, pour nous faire rendre enfin notre honneur, celui de nos enfants.

Comme je te l’ai dit, il ne s’agit plus d’attendre, dans une situation aussi horrible qu’imméritée, qui nous jetterait tous par terre, un événement heureux, beaucoup trop attendu déjà.

Tu es d’ailleurs en possession de mes lettres du mois d’octobre, tu dois agir avec la force que donne l’innocence, avec la puissance que procure un noble devoir à remplir.

Si je t’ai dit de demander de faire faire la lumière par tous les moyens, même par les moyens héroïques, c’est qu’il y a des situations qui sont trop fortes quand on ne les a pas méritées et qu’il faut en finir.

D’ailleurs, nos âmes ne font qu’une, elles vibrent à l’unisson, et ce que je t’ai dit a certainement fait tressaillir et vibrer la tienne.

J’attends donc maintenant la fin de cet horrible drame et je compte les jours.

Merci des bonnes nouvelles que tu me donnes des enfants. Embrasse-les longuement de ma part, en attendant que je puisse le faire moi-même.

Mes meilleurs baisers pour toi de ton dévoué,

Alfred.

Embrasse tes chers parents, tous les nôtres pour moi.

Je ne sais par quelle voie tu m’as envoyé les livres et les revues que tu m’annonçais dans tes lettres du 25 août ; mais, ce qu’il y a de certain, c’est qu’ils ne sont pas encore arrivés à la Guyane.

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