Page:Dreyfus - Lettres d un innocent (1898).djvu/142

Cette page a été validée par deux contributeurs.
143
LE CAPITAINE DREYFUS
Le 27 août 1895.

J’ajoute quelques mots avant de remettre cette lettre, pour t’envoyer encore l’écho de ma profonde affection, te dire combien j’ai pensé à toi le jour de ta fête — guère plus il est vrai que les autres jours, cela n’est pas possible — pour t’embrasser de tout cœur et te dire courage et toujours courage !

Ah ! souffrir sous toutes les formes, je sais ce que cela est, je te le jure. Depuis le temps que cela dure, mon cœur n’est qu’une plaie qui saigne chaque jour et à chaque heure et qui ne pourra se cicatriser que lorsque j’apprendrai enfin que mon innocence est reconnue.

Vois-tu, l’esprit reste parfois hébété et perplexe de voir dans notre siècle se produire des erreurs pareilles et qui puissent subsister un tel temps, sans qu’on fasse la lumière ! Mais ne crains rien, si je souffre au delà de toute expression, comme toi, comme vous tous, d’ailleurs, l’âme reste vaillante et elle fera son devoir jusqu’au bout, pour toi, pour nos enfants. Ah ! mais souhaitons que cette situation épouvantable, invraisemblable, prenne bientôt fin et que nous sortions enfin de cet horrible cauchemar dans lequel nous vivons depuis plus de dix mois !

Embrasse bien aussi nos chers petits pour moi.

————
Le 7 septembre 1895.
Ma chère Lucie,

Je reçois aujourd’hui seulement tes lettres du mois de Juillet ainsi que celles de la famille.

Je fais bien souvent comme toi. À certains mo-