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LE CAPITAINE DREYFUS

souffrances. Mais mon excuse est qu’il n’y a pas de douleur humaine comparable à celle que nous subissons.

J’espère que tu as reçu, depuis, mes nombreuses et longues lettres, elles ont dû te rassurer sur mon état physique et moral. Ma conviction n’a jamais varié ; elle est dans ma conscience, dans la logique qui me dit que tout se découvre. La patience m’a manqué.

Ne parlons donc plus de nos souffrances. Remplissons simplement notre devoir, qui est de faire rendre à nos enfants l’honneur de leur père innocent d’un crime aussi abominable.

J’ai reçu également les lettres, datant de la même époque, de tes chers parents et de divers membres de nos familles. Embrasse-les de ma part et remercie-les. Dis à Mathieu que mon énergie morale est à la hauteur de la sienne.

Je t’embrasse de tout mon cœur ainsi que nos chers enfants.

Ton dévoué,

Alfred.
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Le 15 juillet 1895.
Ma chère Lucie,

Je t’ai écrit de si longues et de si nombreuses lettres pendant les quelques mois durant lesquels je suis resté sans nouvelles, que je t’ai dit et redit bien des fois toutes mes pensées, toutes mes douleurs. Permets-moi de ne plus revenir sur ces dernières. Quant à mes pensées, elles sont bien nettes aujourd’hui et ne varient plus, tu les connais.