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LE CAPITAINE DREYFUS

aura une fin prochaine. Ce serait tant à désirer pour tous, pour nous comme pour nos chères familles.

Ta pauvre chère mère, déjà si délicate, ton cher père auront besoin de repos et de calme après une tourmente aussi effroyable, aussi inimaginable, il faut bien le dire.

Bien souvent je me demande quel est l’état de votre santé à tous, avec des nouvelles aussi rares et aussi lointaines.

Et combien souvent, aussi, je fixe l’horizon, les yeux tournés vers la France, dans l’espoir que ce sera enfin le jour où ma patrie me rappellera à elle. En attendant ce jour, raidissons-nous, chère Lucie, puisons dans nos consciences et dans le devoir à remplir les forces qui nous sont si nécessaires.

Embrasse tous les nôtres pour moi, et pour toi les meilleurs baisers de ton dévoué mari,

Alfred.
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Le 2 juillet 1895.
Ma chère Lucie,

Quand cette lettre te parviendra, le jour de ta fête sera proche. Le seul souhait que je puisse formuler et qui est dans ton cœur comme il est dans le mien, c’est que j’apprenne bientôt qu’on nous rend avec notre honneur notre bonheur passé.

Ma conscience et ma raison me donnent la foi ; le surnaturel n’est pas de ce monde, tout finit par se découvrir. Mais les heures d’attente sont longues et cruelles quand il s’agit d’une situation aussi épouvantable, aussi bien pour nous que pour nos familles.