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LETTRES D’UN INNOCENT

chacun aura son heure. Courage donc, chère Lucie, conserve cette volonté indomptable que tu as montrée jusqu’ici. Puise en tes enfants cette énergie surhumaine qui triomphe de tout. D’ailleurs, je n’ai nul doute que tu ne réussisses, et j’espère que ce sinistre drame aura bientôt son dénouement et que mon innocence sera enfin reconnue. Que te dirai-je encore, ma chère Lucie, que je ne te répète dans chacune de mes lettres ? Ma profonde admiration pour le courage, le cœur, le caractère, que tu as montrés dans des circonstances aussi tragiques ; la nécessité absolue qui passe au-dessus de tout, de tous les intérêts, de toutes nos vies même, de prouver mon innocence de telle façon qu’il ne reste de doute dans l’esprit de personne, de tout faire, cela sans bruit, mais avec une volonté que rien n’arrête.

J’espère que tu reçois mes lettres, c’est bien la neuvième que je t’écris.

Embrasse toute la famille, tes chers enfants pour moi et reçois pour toi les meilleurs baisers de ton dévoué

Alfred.

Comme tu le vois, ma chère Lucie, j’espère que quand tu recevras ces dernières lettres, la vérité ne sera pas loin d’être connue et que nous jouirons de nouveau du bonheur qui avait été notre partage jusqu’ici.

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Le 11 juin 1895.
Ma chère Lucie,

J’ai reçu hier toutes tes lettres jusqu’au 7 mars, c’est-à-dire les premières que tu aies adressées ici,